Et si c’était pas si bien ?

31 Jan

Normalement quand tu entres en deuxième année de médecine tu es censée être HEU-REUSE.

Tu viens de passer un (ou deux) ans à bosser comme une folle pour passer un concours difficile.

Tu as réussi, tu as trois mois de vacances devant toi, une belle carrière qui s’ouvre à toi, une vraie vie étudiante.
D’ailleurs tu ouvres un blog, histoire de partager tes futures découvertes avec ceux qui voudront bien les lire.

Bref, en un mot comme en cent tu as TOUT pour être dans une période de douce euphorie. D’ailleurs c’est l’état d’esprit de tout tes nouveaux compagnons de promotion.

Alors pourquoi ce n’est pas ton cas ?

Drôle de question sans réponse. Peut-être que doucement, tout doucement, tu commences à te rendre compte qu’être médecin, c’est peut-être pas tout à fait comme tu l’imaginais.

Après avoir stressé comme une folle tout l’été en pensant à ton premier stage par peur de ne pas être à la hauteur, tu y es enfin : en blouse dans ton service à te présenter à tout le staff. Tu es tellement stressée que tu en bégayerais presque et qu’au final tu es bien loin de profiter de ce moment dont tu as tellement rêvé.

Et puis au fil des jours tu finis par comprendre comment le service fonctionne, par faire (un peu) tes preuves, par te sentir utile. Tu t’intègres peu à peu et tu vois, pleine d’admiration, tous ces gens se démener pour améliorer autant qu’ils le peuvent la vie de « nos » petits patients.
Il faut dire que tu n’es pas tombée dans un stage facile, mais c’est peut-être ce qui amène cette ambiance de coopération entre toutes les branches qui travaillent ici : médecins, infirmiers, auxiliaires de puériculture, aide-soignants, agents de service… Tout le monde participe activement et du mieux possible. Et ça te semble tellement merveilleux.

Tu n’as pas beaucoup l’occasion d’être avec les médecins mais tu les observes, de loin : ils sont là tous les jours à essayer de trouver la meilleure solution pour leurs patients, à recevoir des parents inquiets, à réfléchir encore et encore sans jamais compter leurs heures.

Pleine d’admiration, tu regardes et tu apprends. Tout ce qu’on daigne te montrer, tu le retiens avec l’avidité d’une passionnée. A la fin de ton stage, tu es épuisée mais soulagée : ce métier est dur, c’est vrai, mais il est magnifique. Tu es rassurée dans ton choix et tu te sens enfin vraiment heureuse d’avoir choisi cette voie.

Insatiable, tu essayes de parfaire tes connaissances. Tu lis des blogs de médecins, d’internes, de sage-femmes, d’infirmiers… Tout ce qui te tombes sous la min, tu le lis et t’en imprègne afin d’apprendre et de comprendre, afin de réfléchir aux problèmes posés, de te forger tes propres opinion, et peut-être avec un peu de chance, d’éviter de commettre certaines erreurs ou maladresse face à tes futurs patients.

Tu fais de ton mieux, et pourtant peu à peu tu déchantes.
Sur internet, partout, tu ne vois presque que des critiques.

Des sage-femmes qui pensent que les gynéco-obstétriciens sont des incapables, tous juste bons à servir en cas de pathologie. Des femmes qui approuvent à grand renforts de « Je déteste les gynécos ! » (pas « mon » mais bien « les » !).

Alors c’est vrai, des médecins stupides tu sais qu’il y en a un certain nombre. D’ailleurs tu as déjà eu l’occasion d’avoir à faire à certains d’entre eux, en tant que patiente. Mais tu sais aussi qu’il en existe d’autres, une majorité, qui donneraient tout pour pouvoir aider un peu leurs patients, pour les soulager, les réconforter, les soigner.

Tu lis, pleine d’envie de comprendre pourquoi ces femmes réagissent si fort. Mais tu ne comprend pas.
Car tu as le plus souvent le même ressenti que la plupart d’entre elles. Et sans partager l’avis de toutes les autres, tu es presque toujours en mesure de les comprendre. Cela nécessite quelques efforts parfois, c’est vrai.

Alors où est le problème ?
Tous te paraissent tellement catégoriques, tellement inébranlables
Et il y a si peu de gens pour tenter de  les raisonner un peu, de leur dire que tout le monde n’est pas pareil, et qu’a fortiori c’est vrai aussi pour les médecins.

Tu n’as pas commencé à apprendre ton métier que déjà tu es détestée par des gens qui ne te connaissent pas.
Tu n’as même pas vingt ans et tu dois déjà faire face à des préjugés qui te paraissent insurmontables.
Tu ne comprends pas, et quelque part au fond de toi tu te sens trahie.

Alors, tout bas, comme une prière muette, tu fais le voeu de réussir un jour à valoir mieux que ça.

Mais jour après le blog reste vide, reflet d’une douloureuse désillusion. 

6 Réponses to “Et si c’était pas si bien ?”

  1. Docmam 31 janvier 2012 à 23:02 #

    Arf je suis passée par là, et je pense que beaucoup d’entre nous aussi… Toi peut être plus tôt que les autres parce que tu t’es plongé très vite dans l’univers en farfouillant sur le web…
    Des remarques et des jugements, tu vas en avoir tout au long de tes études et même de ta vie…
    Il faut arriver à prendre un peu de recul par rapport à tout ça sinon ça va te bouffer; mais c’est pas facile… parce qu’il faut abandonner l’idée naïve qu’on pouvait avoir d’un métier « merveilleux » où tout le monde te dit merci…

    Une fois qu’on a accepté une part d’ingratitude dans notre métier, et avec l’expérience, on prend les choses moins à cœur…
    Et sur internet et les forum, tu trouveras TOUJOURS des critiques et oui des fois si tu prends au pied de la lettre ça fait mal… mais dis toi qu’au final ce n’est qu’une petite minorité et que les gens heureux, ils vont pas venir le crier sur internet en général…;)

  2. Knackie 31 janvier 2012 à 23:46 #

    Ce n’est pas si bien.

    Mais tu ne peux pas être désillusionnée alors que tu n’as pas vraiment commencé. Que tu vois des critiques partout sur internet c’est normal, rare sont ceux qui écrivent pour compter comment leur vie est magnifique. On aimerait toujours avoir mieux. Et puis…

    Ce n’est pas si mal.

  3. 10lunes 1 février 2012 à 08:09 #

    M’est avis que tu trouverais la même intolérance pour toute autre catégorie professionnelle, que ce soit pour les éleveurs laitiers ou les patrons de bordel… La seule différence est que les blogs médicaux sont plus nombreux.
    C’est le problème du net et plus généralement de la société et pas de la médecine ; un anonymat qui permet de se « lâcher », l’écrit qui forcément laisse moins passer de nuance que la communication directe, un malaise plus global qui fait que chacun se sentant malmené dans son coin peut en malmener un autre. Petite vengeance qui serait sans envergure s’il n’y avait le buzz qui parfois fait que quelques mots carnassiers s’emballent sur la toile…
    Quant aux « usagers » de la médecine, le net est un défouloir pour ceux qui n’ont pas si souvent que ça droit à la parole. Patients inquiets, jargon médical impénétrable, soignants débordés (et parfois imbus d’eux mêmes)…
    Je suis plus optimiste que toi. Ce que je vois sur le net, c’est une « armée » de soignants déterminées à s’interroger sur leur exercice, à offrir les conditions d’une réel dialogue, à donner des clefs pour mieux comprendre ce qu’est l’exercice de la médecine… des soignants avec la passion de leur métier chevillé au corps .. ça n’empêche pas d’être critique mais la passion est là !

  4. Les Chroniques d'Esculape 1 février 2012 à 10:54 #

    Déjà, merci à toutes pour vos réponses. Cela fait longtemps que je vous lis, et je suis vraiment très heureuse de recevoir vos réponses.

    Je me doute que dans ce genre de situation ce qui ressort est souvent le négatif, effectivement quand tout va bien on pense rarement à le mentionner.
    Ce qui me fait drôle, c’est plus de voir la façon qu’ont les gens d’être parfois persuadés de détenir l’ultime et unique vérité.

    Ca m’a filé, je l’avoue, une bonne déprime. N’empêche que je suis heureuse d’avoir choisi cette voie. Je sais maintenant qu’elle sera difficile, mais je suis aussi certaine qu’elle sera belle et épanouissante. A moi de faire de mon mieux, maintenant.

    10lunes, tu as bien raison quand tu évoques cette armée de soignants en perpétuelle réflexion. D’ailleurs c’est une chose que je trouve merveilleuse, et c’est aussi ce qui m’a aidé à ne jamais baisser les bras en première année. Suivre ces (vos) blogs a été fondamental dans ma réussite, je crois. Et je continue à le faire avec un grand bonheur car l’échange et la réflexion sont, j’en suis intimement convaincue, la clef de voûte de tout bon exercice de la médecine.

  5. Anna Musarde 2 février 2012 à 10:01 #

    Si ça peut te rassurer, j’ai souvent envie de commenter pour modérer les propos du type « je hais les gynécos », parce que « le mien » (actuel, les deux anciennes étaient épouvantables) est très bien, et je suis sûre qu’il n’est pas le seul. Mais souvent je ne le fais pas, par découragement… Parce que quand on le fait on est souvent ignoré ou on se fait carrément rentrer dedans comme si on tentait de justifier les pratiques des mauvais toubibs, alors qu’on se contente de rappeler qu’il y en a de bons.
    Je pense que je ne suis pas la seule. Sur Internet, on entend souvent plus ceux qui se sentent le plus outragés, en colère, parfois avec raison d’ailleurs. Mais la cohorte de celles et ceux qui sont contents de leurs médecins, on les entend moins. 🙂

  6. Docteurmilie 3 février 2012 à 15:37 #

    Chez les médecins, comme partout ailleurs, il y a des gens bien et des gens moins bien, il y a des cons partout ( peut-etre un pourcentage plus important chez les médecins qu’ailleurs 🙂 mais tout ce que tu vois de négatif ou de mauvais, plutôt que de te décourager, tu dois t’en servir comme exemple à ne pas suivre. Il suffit de ne jamais oublier ton objectif: faire partir des médecins biens, et ainsi tu pourras faire changer les à prioris pas toujours infondés que les gens ont .

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